NOUS NE VIEILLIRONS PAS ENSEMBLE - Comment je suis devenu sioniste
Juifs lithuaniens débarquant à Haïfa en 1925 - création IA, © Xavier Théry
Je ne suis pas Juif. Mais je suis sioniste. Je ne l’ai pas toujours été. Et mes références intellectuelles, mon rapport à l’existence de l’État d’Israël ont évolué avec les grandes phases de la conjoncture au Proche-Orient, mais sans doute à l’opposé des positions occidentales les plus courantes, c’est à dire celles du progressisme qui domine la vie intellectuelle depuis 50 ans. La succession des évènements au Proche-Orient, le pogrome du 7 octobre, la guerre à Gaza, ses répercussions à l’international et en particulier en France m’ont ainsi amené à revisiter ma relation à Israël et à la question du sionisme. C’est ce parcours que je livre ici.
(NB : ici, j’invite le lecteur à prendre connaissance en fin d’article de la définition que j’utilise des trois termes, Juifs(1), Arabes(2), Palestine(3) car elle aide à comprendre la suite de mes propos.)
Je l’ai dit, je ne suis pas juif et la question juive m’a peu intéressé ou concerné dans ma jeunesse. Je parle de la question juive intérieure à la France. Une question qui n’en était pas (plus) une dans les années 60 et 70. Je connaissais des Juifs(1), j’avais des camarades dont je crois me souvenir qu’ils étaient juifs, mais c’était une chose dont on ne parlait pas, une chose sans intérêt particulier. Il faut dire qu’à l’époque, et encore aujourd’hui, la population juive était assez restreinte, toujours moins de 1% de la population française, même si elle était et reste encore assez concentrée, donc plus repérable, en région parisienne (Paris est la septième ville juive du monde par sa population : 250 à 300 000 personnes environ). Comme dans beaucoup de familles françaises, il y avait sans doute des personnes antisémites dans la mienne, mais elles se montraient très discrètes, car ayant vécu la guerre, elles étaient trop bien averties du caractère funeste de leurs préjugés. Je n’étais pas juif, j’en côtoyais très peu, donc, et je n’étais pas sioniste non plus. N’ayant jamais été confronté à l’insécurité des populations juives, étant né 15 ans après la guerre, cette question de l’insécurité paraissait résolue et la question du sionisme avec. Il semblait acquis que sa définition la plus restrictive convenait à tout le monde : « le sionisme est le droit du peuple juif à disposer d’un État où il peut trouver refuge et sécurité ». L’État d’Israël ayant été reconnu par les Nations Unies, cet État prospérant, la cause du sionisme n’avait plus lieu d’être et on n’en parlait donc plus. Je n’étais donc pas sioniste, mais pas non plus anti-sioniste. Ce n’était pas un sujet.
Israël, fer de lance occidental
Ce qui en était un par contre, en particulier dans ma famille baignée de culture gaulliste, c’était la question israélienne. Et, pour moi, pour ma famille, en tant que non-juifs et non-sionistes, c’était une question distincte. Nous n’étions pas hostiles à Israël, bien au contraire, mais la crise des vedettes de Cherbourg (enlevées par le Mossad pour contourner l’embargo décrété par de Gaulle) avait blessé notre orgueil de Français et nous en voulions un peu aux Israéliens, comme le Général, dont le discours de 67 est resté pour nous le mètre-étalon de ce qu’il fallait penser de la situation en Palestine(3). Sa saillie sur « le peuple dominateur », bien injustifiée, bien regrettable et bien inutile, nous était alors apparue comme une petite pique sans réelle portée. Les choses se sont assez vite calmées entre la France et Israël et la guerre du Kippour est arrivée. Dès ce moment, l’internationalisation du conflit, la menace d’une guerre mondiale, l’antagonisme est-ouest (l’URSS soutenant les Arabes, les Etats-Unis les Israéliens), le choc pétrolier qui s’en est suivi, ont durablement politisé en France (mais aussi aux Etats-Unis) la question israélienne : être pro-israélien, c’était être pro-occident, être pro-arabe, c’était participer « au grand mouvement libérateur des peuples opprimés ». Il faut dire que le massacre des athlètes israéliens aux JO de Munich était passé comme une lettre à la poste pour tous les trotskystes français, à commencer par Edwy Plennel qui soutenait l’action terroriste de Septembre noir. Assez marqué par un engagement politique à droite - les gaullistes étant devenus chiraquiens - je sortis donc des années 70, toujours non-sioniste, mais très pro-israélien.
Israël, village arabe ?
C’est en 1987 que j’ai découvert une autre réalité israélienne. Il faut dire que mon voyage sur place a coïncidé avec le déclenchement de la première Intifada (je vous promets, je n’y étais pour rien…). J’ai non seulement mesuré le degré de violence qui baignait toute la société (les maîtresses d’école accompagnant les enfants, mitraillettes à la ceinture - les mitrailleuses en batterie le long de la Via dolorosa - notre car caillassé par de jeunes Arabes(2) révoltés - les nouvelles le soir à la télévision faisant le décompte de ces mêmes Arabes abattus par l’armée israélienne…), mais j’ai aussi découvert une culture, des villes, des villages arabes (à Haïfa, dans le nord en particulier) que je ne soupçonnais pas. J’ai vraiment perçu Israël, pendant ce voyage (et je ne parle même pas ici des territoires occupés de Cis-Jordanie que j’ai parcourus aussi), comme une puissance occupante dans un territoire de culture arabe. Ce qui était objectivement vrai si on se place du point de vue démographique et juridique : le territoire appréhendé par les Juifs en Palestine(3) et reconnu par les Nations Unies comme étant celui d’Israël s’est peuplé majoritairement de Juifs qui sont arrivés par immigration externe. Ils se sont implantés là avec leur culture essentiellement européenne, culture très éloignée de la culture des Arabes qui avaient conquis la place 1300 ans auparavant et aussi éloignée de celle des Juifs restés sur place sous la domination (la dhimmitude) arabe. Ce n’est pas un jugement de valeur, c’est juste un constat.
La France anti-sioniste ?
Je sortis donc des années 80, pétri de bons sentiments pro-arabes, mais toujours bienveillant à l’égard de l’établissement du peuple juif en Palestine, c’est-à-dire de l’existence de l’État d’Israël et de sa sécurité. Cela peut sembler étrange aujourd’hui à quelques belles âmes vaguement wokistes ou lectrices du journal Le Monde, mais il n’était pas à l’époque question d’un quelconque programme « from the river to the sea ». Nous étions nombreux alignés sur la position officielle du Quai d’Orsay depuis longtemps favorable au parti arabe et nous gardions en mémoire le discours (fulgurant et qui est resté très pertinent pendant 50 ans) de de Gaulle en 67. La droite française, chiraquienne, et moi en particulier, étions sur cette ligne qu’on n’appelait pas encore « la solution à deux États ». Mais une petite musique commençait à se faire entendre : l’anti-sionisme. Par un détournement de sens, dont je fus victime comme beaucoup d’autres, le terme « anti-sioniste » ne désignait pas (pas encore…) le refus du droit à l’existence d’Israël, mais la contestation de la politique expansionniste de cet État. Être anti-sioniste, c’était être pour le retour aux frontières de 1967, dans l’ordre juridique international. J’entrais donc dans les années 90, proclamant mon anti-sionisme, parce que je me méprenais sur le sens du sionisme et que j’avais été peu sensibilisé à la question juive dans ma jeunesse.
Le miracle israélien
Pourquoi cet anti-sionisme affiché n’était-il pas contradictoire avec la défense d’Israël ? Avant tout parce que nous, je dis « nous » en parlant des grands pays occidentaux, et moi en particulier, avions une confiance inébranlable dans la solidité de l’armée israélienne. Il faut dire que durant les quarante précédentes années elle avait mis de sacrées tripotées aux armées arabes. Car même si je me proclamais anti-sioniste je n’étais pas dupe de l’agressivité arabe durant cette période. Car jamais les pays arabes environnants n’acceptèrent la création de l’État d’Israël ni en 1947 lors du plan de partage, ni après. Le lendemain de la proclamation d’indépendance, une armée arabe coalisée (Égypte, Jordanie, Syrie, Liban, Irak) envahit le territoire pour s’opposer à la création de l’État juif. Elle fut battue et le territoire israélien fut agrandi, Gaza annexé par l’Egypte et la Cis-Jordanie intégrée à la Jordanie. Première guerre, première défaite arabe. Deuxième guerre en 1956 cette fois. Israël occupe le Sinaï mais doit l’évacuer sous pression russo-américaine. Troisième guerre en 1967, mobilisation de 3 armées arabes (Égypte, Syrie, Jordanie) et fermeture du détroit de Tiran par l’Égypte, Israël riposte et gagne la guerre en 6 jours avant d’occuper pour 30 ans Gaza et jusqu’à aujourd’hui la Cis-Jordanie et le plateau du Golan. Troisième défaite arabe. Quatrième guerre en 1973, L’Égypte et la Syrie attaquent Israël pendant le Kippour. Contre-offensive victorieuse israélienne. Quatrième défaite arabe. Les conflits qui s’ensuivront en 1982 au Liban contre l’OLP, lors des deux Intifadas se solderont toujours par des défaites cuisantes des Arabes. Je pouvais me permettre d’être anti-sioniste car je voyais s’établir la puissance israélienne. Elle n’était pas militaire seulement d’ailleurs, car le petit État constitué d’agriculteurs kibboutzim est devenu une puissance technologique, un miracle de développement au milieu d’une zone accablée depuis 1300 ans par le Fatum. Si l’on compare l’évolution de la Jordanie créée à la même époque et avec une population comparable (600 000 habitants en 1948 - 10 millions aujourd’hui), on se rend compte que le PIB Israélien est aujourd’hui 10 fois supérieur et que les Arabes israéliens vivent dix fois mieux que leurs cousins transjordaniens.
L’émancipation nationaliste arabe
J’entrais donc dans les années 90 confiant dans la négociation internationale et la raison pour permettre au nationalisme arabe de se trouver une issue dans la création d’un État arabe en Cis-Jordanie et à Gaza. Pierre-André Taguieff a bien montré comment l’idée palestinienne est une idée brillamment inventée par Arafat en 1964, auparavant personne ne parlant d’État palestinien arabe. La Palestine mandataire sous contrôle anglais était certes autant arabe que juive, mais elle ne l’était pas plus. L’OLP qui était une organisation composée de partis en majorité laïcs, certains leaders étaient même de confession chrétienne, semblait à tout le monde en mesure de trouver un accord raisonnable avec les Israéliens pour enfin établir le partage de la Palestine tel qu’il avait été prévu en 1947, mais toujours refusé par les Arabes nés en Palestine et par leurs voisins jordaniens, libanais, syriens, égyptiens. Oslo laissait entrevoir que les Arabes cis-jordaniens ou gazaouis allaient enfin recouvrer une pleine souveraineté sur leurs terres, souveraineté que leurs cousins arabes transjordaniens ou égyptiens leur avaient pourtant refusée entre 1948 et 1967. Arafat avait déclaré que la charte de l’OLP qui prévoyait la destruction de l’Etat d’Israël était caduque. Mon anti-sionisme le devenait aussi de facto. La solution à deux États pouvait s’accomplir.
La sujétion islamiste
C’était sans compter sur la profonde mutation du nationalisme arabe au tournant des années 2000. Tous les mouvements nationalistes arabes nés après-guerre étaient décoloniaux, laïcs, vaguement socialistes. C’était le cas en Egypte nassérienne, du parti Baas en Syrie et en Irak, c’était aussi le cas du Fatah et de l’OLP. Mais les années 90 ont vu s’affirmer l’emprise en étau des Frères musulmans et des fous de Dieu iraniens. La révolution islamiste était lancée, elle allait aboutir à l’effondrement du World Trade Center, à la création de Daech, d’Al Qaida et du Hamas… Comment se situer dans le camp anti-sioniste dans ce contexte ? Il est évident qu’après l’échec de Camp David II (l’OLP ayant exigé le retour en Israël des descendants des réfugiés de 1949 et de leurs propres descendants, les fameux « UNRWA »…) les péripéties opposant le Hamas à l’OLP en Cis-Jordanie et surtout à Gaza, le renouvellement d’un programme de destruction d’Israël, la multiplication d’actes de terrorisme contre les Juifs partout dans le monde allaient me décourager très rapidement de me situer dans le camp anti-sioniste. La Solution à deux États était morte, mon anti-sionisme aussi.
La solution caduque
C’est pourtant la solution que continuent de prôner les chancelleries occidentales depuis 25 ans. Emmanuel Macron vient encore de la renouveler en affirmant son intention de reconnaître la souveraineté d’un « État palestinien» en juin 2025. Sans rien dire de quelles conditions de sécurité pour Israël il allait assortir cette reconnaissance. Car c’est bien là que se situe le nœud gordien du problème. Depuis 2005 la bande de Gaza est indépendante et libérée de l’occupation israélienne. Que les Gazaouis ont-ils fait de cette liberté ? Ils ont creusé 500 km des tunnels, stocké des missiles, construit des roquettes. 25 000 en ont été tirées sur Israël depuis vingt ans !… Au nord, le sud-Liban sous influence iranienne vit sous le joug des milices du Hezbollah dont l’ADN est aussi la destruction de l’État d’Israël. Il a ainsi tiré plus de 10 000 roquettes sur Israël lors de la même période. Alors, imagine-t-on, avec un soupçon de bonne foi et d’intelligence que Israël peut laisser se créer dans les mêmes conditions un troisième territoire hostile en Cis-Jordanie, où chaque jour, chaque enfant, chaque femme, chaque homme consacrera son existence à creuser des tunnels, à fabriquer des roquettes, à planifier un ultime pogrome avant de rejeter les Juifs à la mer. Car c’est bien de cela qu’il s’agit désormais. Cerné au sud par les milices du Hamas, au nord par celles du Hezbollah, à l’est par de potentielles milices pro-Hamas, à distance par la Syrie et l’Iran, bombardé régulièrement par les Houtis, Israël joue désormais sa survie en tant qu’État, foyer et refuge pour les Juifs. C’est bien le projet sioniste qui est remis en cause. Les slogans brandis par les étudiants gauchistes de Columbia ou Science-po sont très clairs : « from the river to the sea » signifie expressément qu’un hypothétique « État palestinien » s’étendrait du Jourdain à la Méditerranée, faisant disparaître de facto Israël. Le projet sioniste qui m‘était indifférent dans les années 70 et 80 parce que je le croyais accompli, redevient après le 7 octobre et avec les menaces nucléaires iraniennes, un projet concret, factuel, évident : protéger l’État d’Israël et les Juifs. Le projet anti-sioniste n’est plus seulement une critique de l’expansionnisme israélien, un soutien à la solution à deux États, c’est redevenu un projet tout aussi concret : détruire Israël et rejeter les Juifs à la mer. M’affirmer comme sioniste est aujourd’hui pour moi une évidence.
L’inversion des valeurs
« Oui, mais le génocide ? »… J’entends tous les jours des amis, des relations, des correspondants sur les réseaux sociaux m’opposer cette antienne. Il est certain qu’il faut du caractère pour y résister tant l’accusation recouvre d’infamie. Un mensonge répété mille fois (un million de fois en l’occurence) ne devient pas une vérité. La guerre à Gaza est une guerre dure, mais une guerre. Déclenchée par les miliciens d’une entité indépendante qui ont délibérément massacré 1500 innocents dans le but affiché de provoquer une riposte qui mettrait à mal la sensibilité occidentale aux actes de guerre. Il n’y a aucune volonté délibérée d’éradiquer la population de Gaza de la part d’Israël, mais au contraire des précautions prises (déplacements de population, messages diffusés avant bombardement) pour minimiser les pertes civiles. Tous les journalistes (y compris ceux du Figaro) reprennent pourtant les décomptes de victimes émis par le Hamas à savoir 50 000 personnes. Sachant que sur des cas vérifiables comme la bombe tombée le premier jour sur le parking d’un hôpital elles étaient exagérées d’un facteur 10, il est raisonnable d’émettre des doutes. Israël reconnaît avoir éliminé 20 000 miliciens du Hamas et certaines sources universitaires parlent aujourd’hui d’une dizaine de milliers de civils. Ces pertes, certes très importantes, ne représentent que 1,5% de la population. C’est l’effet dramatique de toute guerre d’ampleur, c’est l’effet psychologique recherché par le Hamas, ce n’est pas l’effet d’un génocide. La destruction planifiée des Juifs en Europe, ce n’est pas 1,5%, c’est 60% de morts. C’est ça un génocide.
La déculpabilisation occidentale
Mais d’où vient cette passion pour la dénonciation de génocides imaginaires ? Nous en revenons là au cœur du problème et en tout cas mon cheminement personnel, de l’indifférence vis-à-vis de la question juive au sionisme, en passant par une phase anti-sioniste, tient à la résolution de cette question. En fait, nous reprochons aux Juifs tout le mal que nous leur avons fait. Je dis « nous » en parlant des belles âmes occidentales, c’est-à-dire les intellectuels qui tiennent le haut du pavé universitaire, médiatique et politique et qui font l’opinion (mais sans doute pas la majorité silencieuse). Car, soyons justes et précis, le plus grand mal qui ait été délibérément fait à un peuple dans l’Histoire de l’humanité, l’a été fait aux Juifs et par les Européens. Pas par les Arabes. J’évacue très vite cette question marginale : oui les Juifs ont été maltraités pendant des siècles par les Arabes, oui le grand Mufti de Jerusalem avait pactisé avec le diable… Tout ceci est connu, mais somme toute assez marginal au regard des persécutions récurrentes opérées par les Européens (occidentaux et orientaux) pendant deux mille ans avant la tentative d’holocauste final. Nous avons fait tant de mal aux Juifs, en tant que peuple, que ce serait un soulagement si après tout on découvrait qu’ils étaient aussi capables de pulsions génocidaires. Et si en plus cette pulsion (pourtant imaginaire) s’exerçait à l’encontre d’un peuple que nous avons nous-même colonisé et maltraité par le passé, ce serait coup double : nous nous libérons de notre culpabilité vis-à-vis des Juifs et nous faisons preuve de repentance vis-à-vis des Arabes.
Sioniste plus que jamais
Où sont les anti-sionistes aujourd’hui ? Je ne dis pas « antisémites », car ce serait aller un peu trop vite en besogne de désigner un anti-sioniste comme un antisémite. Le parcours que j’ai moi-même suivi sur ce sujet m’interdit de généraliser cette désignation infamante. Elle n’exclut cependant pas des cas particuliers : quand Jean-Luc Mélenchon dit de Mme Braun-Pivet qu’elle va « camper » à Jérusalem, on peut légitimement s’interroger sur les fantasmes nauséabonds qui travaillent son inconscient. Mais passons. L’anti-sionisme d’aujourd’hui n’est plus un projet à deux États, c’est une ambition à un État : un « État palestinien » qui irait du Jourdain à la Méditerranée et dont les Juifs seraient absents. S’affirmer anti-sioniste aujourd’hui, dans le contexte du pogrome du 7 octobre, de la guerre à Gaza, des bombardements iraniens, des menaces permanentes sur la sécurité d’Israël, c’est évidemment nier le droit à l’existence d’Israël. C’est pourquoi je suis devenu indéfectiblement sioniste. Pour sauvegarder les Juifs d’abord et aussi ce qui reste d’élévation dans la pensée humaine au Proche-Orient, au regard de l’immense mouvement rétrograde qui s’opère parmi le peuple arabe. Netanyahu passera, l’État d’Israël demeurera et avec lui la liberté.
Quelle solution alors ? Puisqu’il en faut. Pour les raisons que j’ai exposées, je ne crois plus une seule seconde à une solution à deux États. Qui y croit encore d’ailleurs ? Sans doute plus personne, mais tout le monde fait semblant faute de mieux. Macron y croit-il ? Sans doute jeudi, un peu moins vendredi, samedi plus du tout et lundi il sera passé à autre chose tant son esprit est versatile. Quelle solution alors ? Un diplomate suisse en esquissait une récemment : « la solution à un État et deux peuples ». un État confédéral qui étendrait son autorité sur l’ensemble de la Palestine et qui serait l’expression de deux peuples cohabitant et ayant chacun leur gouvernement. Le peuple Juif majoritaire dans le territoire actuel d’Israël et minoritaire en Cis-Jordanie, le peuple Arabe majoritaire en Cis-Jordanie et minoritaire en Israël. La question gazaouie restant à imaginer (une souveraineté égyptienne ?). Chaque peuple serait gouverné par son propre gouvernement représentant la majorité mais protégeant les droits du peuple minoritaire et une sorte de conseil confédéral palestinien (à la mode suisse) aurait autorité sur la sécurité et les relations extérieures de l’ensemble. C’est évidemment très théorique aujourd’hui mais sans doute moins fumeux que la solution à deux États. Et le plus probable, c’est qu’aucune de ces solutions n’advienne. Je ne pense donc pas voir résolue la question de mon vivant. Je mourrai donc sioniste, parce qu’inquiet pour les Juifs.
Quelques points de vocabulaire :
(1) Juif(s) : je ne fais pas ici référence à une religion mais aux membres de ce qu’il est convenu d’appeler le peuple juif, c’est-à-dire ceux qui se reconnaissent comme tels (ou que leurs ennemis identifient comme tels), qu’ils soient religieux ou athées, pratiquants ou totalement laïcs, qu’ils soient citoyens israéliens, français ou autres.
(2) Arabe(s) : j’utiliserai ce terme le plus souvent dans son acception restreinte, c’est-à-dire les membres du peuple arabe issu de la péninsule arabique et qui peuplent aujourd’hui le Liban, la Syrie, une partie de l’Irak, la Jordanie, la Palestine. Ou plus rarement dans son acception plus large, c’est-à-dire les peuples (notamment nord-africains) qui ont été conquis par les Arabes et qui s’identifient désormais à eux dans la « grande nation arabe ». Sans connotation religieuse, puisqu’il y a (de moins en moins) d’Arabes chrétiens, bien qu’ils le fussent presque tous avant la conquête mahométane.
(3) Palestine : j’emploierai ce terme pour désigner le territoire appelé ainsi au premier siècle par les Romains et qui correspondit ensuite à la Palestine mandataire sous contrôle britannique et qui correspond aujourd’hui à la somme de l’Etat d’Israël, de la Cis-Jordanie et de la bande de Gaza. C’est pourquoi je n’emploierai pas le terme Palestine comme synonyme « d’État palestinien » (qui est une revendication des Cis-Jordaniens), ni le terme de Palestiniens car le restreindre aux seuls Arabes accrédite l’idée que les Juifs n’ont rien à faire en Palestine.
